Hypnose : de la magie à la médecine

Charlatanisme, manipulation mentale…, les préjugés sur l’hypnose ont la dent dure. Pourtant, les preuves sont là : l’hypnose soigne et débarrasse des addictions. Résultat, la technique est aujourd’hui utilisée en routine dans les centres antidouleur et permet chaque année à des centaines de fumeurs d’arrêter. La science commence à lever le voile sur cet étrange pouvoir.

Scène d'hypnose au XIXe siècle
Gravure d’une scène d’hypnose au XIXe siècle.
© Costa / Leemage




Commençons par une révélation : vous avez déjà sombré dans l’état d’hypnose ! Et vous vous y adonnez même plusieurs fois par jour ! En effet, la lecture d’un livre, le visionnage d’un film ou le rappel de souvenirs suffisent à expérimenter une légère transe hypnotique. L’électroencéphalogramme de sujets hypnotisés confirme cette idée : l’entrée dans l’hypnose s’accompagne d’un ralentissement des ondes cérébrales, un phénomène également observé lors de l’endormissement.

Si l’état hypnotique se situe à mi-chemin entre la veille et le sommeil, cette description n’a plus guère de rapport avec l’hypnose de ses débuts, au XVIIIe siècle, à l’époque où elle s’appelait « magnétisme animal ». C’est ainsi que Franz Anton Mesmer, médecin allemand exilé à Paris, avait baptisé l’étrange phénomène qui lui permettait de soigner de façon quasi miraculeuse. Pensez donc, il suffisait de réunir les malades autour d’une cuve d’eau où trempaient du verre pilé et de la limaille de fer, d’agrémenter le tout de quelques détails d’ambiance destinés à impressionner, pour que certains des patients soient pris subitement de convulsions et, au terme de leur crise, guérissent véritablement !

Magie ? Non, Mesmer venait de découvrir que l’état modifié de conscience, du type hypnotique, possède un pouvoir thérapeutique. L’hypnose médicale était née. Elle ne demandait, pour se développer, que de s’abstraire de tout décorum superflu. Ce qui fut fait au XIXe siècle. Mais c’est surtout au XXe siècle que l’hypnose explosa, particulièrement sous l’impulsion d’un psychiatre américain, Milton Érickson. Érickson, notamment, élabora des techniques indirectes pour induire l’état hypnotique chez ses patients, à l’opposé des méthodes traditionnelles, très dirigistes.

Aujourd’hui, le paysage des praticiens de l’hypnose est large. Les hypnotiseurs de music-hall ont récupéré les techniques des descendants de Mesmer pour monter des spectacles de Las Vegas à Pigalle. Bien qu’ils possèdent quelques « trucs » dans leurs manches (l’hypnotiseur Dominique Webb, très présent à la télévision dans les années quatre-vingts, avait des complices dans la salle qui faisaient mine d’être hypnotisés instantanément ; impressionnés par la prouesse, les vrais spectateurs n’en étaient que mieux hypnotisables), il n’en reste pas moins de véritables hypnotiseurs au sens où ils sont capables de plonger un sujet en transe hypnotique très rapidement.

Les hypnothérapeutes, eux, emploient l’hypnose comme outil pour soigner et réduire la souffrance. Leur nombre progresse énormément en ce moment. Le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale a été créé à Paris il y a six ans. Y sont formés aux techniques d’hypnose des médecins, des psychologues, des sages-femmes ou encore des chirurgiens dentistes. De quinze inscrits à ses débuts, il est passé à soixante-dix aujourd’hui et refuse des candidats. Pour répondre à la demande, une autre formation supérieure a vu le jour en octobre 2007 à l’université de médecine de Bordeaux.

Quels sont les succès de l’hypnose ? Que dit la science de son pouvoir thérapeutique (chapitre 2) ? Quelles sont les limites de cette méthode de guérison (chapitre 3) ? L’hypnose médicale se rapproche-t-elle de certaines médecines traditionnelles (chapitre 4) ? Jean-Marc Benhaiem, créateur du diplôme universitaire de Paris, a accepté de nous faire découvrir le monde de la transe et de la suggestion hypnotiques. Prêts ? Vos paupières sont lourdes, lourdes…

01.Les succès de l’hypnose médicale

L'hypnose et les troubles psychosomatiques

L’hypnose peut permettre de soigner les troubles psychosomatiques et alimentaires, le stress, les addictions, les phobies…
© X.Muller & D.Coutin / CG91
Paris, hôpital Trousseau. L’enfant est allongé sur la table d’opération. Un petit rideau est tendu sous son menton pour éviter que son regard croise la plaie qu’il aura dans quelques instants au cou. Le jeune malade souffre de ganglions suspects qu’il faut retirer. À ses côtés, l’anesthésiste lui susurre des mots afin de l’emmener dans une légère transe hypnotique qui, en complément d’un anesthésiant local, réduira la douleur et le stress entourant le geste chirurgical. Une anesthésie générale aurait rempli le même rôle, sauf que la cage thoracique, contractée dans ce genre de pathologie, pourrait bien se relâcher soudainement et étouffer l’enfant.

Plus tard, Patrick Richard, l’anesthésiste qui a accompagné l’enfant, se montrera enthousiaste : « L’introduction de l’hypnose a été un bouleversement dans le traitement de ces enfants ! » Il est vrai, l’hypnose a de nombreux avantages. Outre qu’elle supprime d’éventuelles complications liées à l’anesthésie générale, elle permet de garder éveillé le patient et donc de surveiller lors de l’opération sa conscience et sa motricité. Utile pour les opérations qui comportent des risques d’infarctus du cerveau, comme en chirurgie des artères : les médecins voient immédiatement si le patient fait un accident cérébral.

Mais est-on sûr des propriétés analgésiques de l’hypnose ? De fait, de nombreuses publications scientifiques ont démontré les capacités de l’hypnose à atténuer la souffrance. Telle celle parue en 2000 dans la prestigieuse revue Lancet, sous la plume du docteur Elvira Lang du Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston (États-Unis) et des collaborateurs d’autres universités américaines. Les auteurs avaient mis à l’épreuve l’effet de l’hypnose en observant, à l’occasion de 241 opérations qu’ils ont pratiquées, la quantité d’analgésique demandée par les patients pour supporter la douleur. Certains des patients avaient été hypnotisés avant l’opération et tous s’autoalimentaient en analgésique en actionnant une pompe manuelle. À l’issue des opérations, le groupe de patients mis sous état hypnotique avait consommé moitié moins de liquide anesthésiant que le groupe témoin qui avait subi une opération classique. CQFD

Outre les douleurs ponctuelles liées à une intervention, l’hypnose peut également servir à réduire les douleurs chroniques. En 1991, une équipe du département de l’hôpital Antonius Ziekenhuis à Nieuwegein des Pays-Bas a démontré l’effet antidouleur sur des malades atteints de fibromyalgie, une pathologie qui, en France, touche environ 2 % de la population et se traduit notamment par des douleurs musculaires. De son côté, en France, la Haute autorité de santé recommande, depuis février 2003, l’utilisation des méthodes de relaxation et d’hypnose comme traitement de fond de la migraine de l’enfant.




Si, à l’hôpital, c’est pour ses qualités analgésiques qu’on emploie l’hypnose, dans les cabinets privés d’hypnothérapeutes, on soigne plutôt les troubles psychosomatiques. La liste d’applications est large : traitement des troubles alimentaires (l’hypnose peut aider un boulimique à réduire son envie obsessionnelle de produits gras et/ou sucrés), du stress, de la dépression, des phobies, des TOC (troubles obsessionnels compulsifs), des insomnies, de la sexualité (par exemple en cas de perte du désir ou d’éjaculation précoce), des addictions de toutes sortes aux calmants, somnifères, tabac, alcool. Pourquoi ces traitements sont-ils exclus de l’hôpital ? Il n’existe pas de réponse scientifiquement argumentée à cette question. Mais sans doute les études scientifiques ne sont-elles pas encore assez nombreuses pour convaincre les patrons des services hospitaliers du bien-fondé de l’hypnose. Tandis que les barrières mentales et culturelles seraient moins fortes dans le privé à l’expérimentation de l’hypnose.

Comment se déroule une séance d’hypnothérapie ? D’abord, le thérapeute induit chez le patient un léger état hypnotique en lui demandant de fixer un objet, d’être à l’écoute de ses sensations corporelles, ou en le confusionnant (un terme courant dans le jargon des hypnotiseurs) par une question du type : « Pouvez-vous vous réduire à votre corps ? »… Puis il tente de modifier la perception qu’a le sujet de son trouble. Les hypnothérapeutes les plus dirigistes fonctionnent par suggestions : à une personne fumeuse, ils suggèreront que la cigarette provoque la nausée ; l’impression de nausée réapparaîtra en dehors des séances, chaque fois que le patient aura une cigarette au bec, et finira par le dégoûter de son addiction.

A contrario, d’autres hypnothérapeutes amènent leurs patients à s’interroger sur leurs sensations et à « faire le ménage » parmi elles : « Certes la cigarette vous évoque du plaisir, mais votre corps, lui, en ressent-il ? » Éventuellement, ils amènent les sujets à revivre mentalement des moments de leur vie où leur addiction, leur trouble, sont absents. Ils espèrent ainsi renforcer les perceptions positives ressenties alors, au détriment de celles qui s’expriment avec le malaise. Dans tous les cas, le patient reste conscient durant la séance. La guérison ou l’arrêt du trouble sont censés intervenir rapidement, après deux à cinq séances.

02.L’hypnose sous le regard de la science : tout sauf de la magie

Imagerie médicale du cerveau sous hypnose

Cerveaux de patients sous hypnose. En haut à gauche : si on suggère au patient une augmentation de la douleur, la zone de localisation de la douleur s’élargit ; dans le cas contraire, à droite, elle diminue. En bas à gauche : si on suggère au patient d’attacher plus d’importance à sa douleur, la zone de localisation de la douleur augmente ; dans le cas contraire (ne pas y accorder d’importance), à droite, la zone diminue.
© P. Rainville & D.D. Price (authors) / The Neurophenomenology of Hypnosis and Hypnotic Analgesia / Psychological methods of Pain Control: Basic Science and Clinical Perspectives IASP Press 2004
Comment l’hypnose soulage-t-elle ou guérit-elle ? Des études ont montré que par un simple travail mental, comme le propose l’hypnose, on peut moduler le fonctionnement de son système nerveux. Ainsi, les sportifs répètent-ils mentalement, avant une épreuve, les gestes qu’ils accompliront. Par cette méthode, ils gagnent en précision, voire en force : Guang Yue du département d’ingénierie biomédicale de l’Institut de recherche Lerner, à Cleveland, aux États-Unis, a ainsi démontré que s’imaginer régulièrement soulever des poids avec le petit doigt procurait au bout de trois mois un gain de 35 % dans la force de traction !

Les techniques modernes de neuroimagerie ont fourni l’explication à ce pouvoir de la pensée sur le corps : répéter mentalement et pratiquer une activité activent les mêmes zones du cerveau, autrement dit « s’imaginer, c’est faire ». Des résultats similaires ont été obtenus pour la gestion de la douleur par hypnose : Pierre Rainville, de la faculté de médecine dentaire de Montréal, a montré que sous état hypnotique, si on suggère au patient que sa souffrance diminue alors l’activité de la zone du cerveau impliquée dans la sensation de la douleur (appelée cortex cingulaire antérieur) diminue. Là aussi, s’imaginer souffrir moins, c’est déjà souffrir moins.

Paradoxalement, aussi convaincantes soient-elles, ces découvertes semblent donner raison aux sceptiques de l’hypnose. Ceux-là remettent en cause la pierre angulaire même de la guérison hypnotique : le pouvoir de la suggestion. Pour eux, la suggestion n’existe tout simplement pas : le sujet hypnotisé réagit en réalité parfaitement consciemment aux suggestions de l’hypnotiseur (du genre « Vous allez moins sentir la douleur » ou « Vous dormirez mieux ce soir »), mais son envie fervente de croire en l’hypnose l’empêche de reconnaître qu’il s’agit d’un acte délibéré. Une façon de réduire l’hypnose médicale à un super effet placebo (par ailleurs réellement efficace): le patient guérit tout bonnement parce qu’il est convaincu de guérir. Après tout, la science a bien montré la puissance de l’imagination sur le corps, non ?

En 2005, par une expérience spectaculaire, Amir Raz, professeur assistant de neuroscience clinique à l’université de Columbia, a réfuté cette théorie. Amir Raz est un personnage singulier, ancien magicien devenu chercheur pour étudier les phénomènes hypnotiques. Il a reproduit sous hypnose une expérience classique en psychologie expérimentale : on demande aux sujets de quelle couleur sont écrits des mots, l’astuce étant que les mots eux-mêmes désignent des couleurs. Par exemple, la réponse pour VERT est rouge. Le résultat habituel de ce type d’expérience est que les personnes répondent correctement, mais seulement après une fraction de seconde de réflexion. C’est l’ »effet Stroop » : le réflexe de lire est si ancré que nous devons nous violenter pour ne pas répondre « vert » mais « rouge ».

Dans le protocole d’Amir Raz, les sujets étaient au préalable hypnotisés et il leur était suggéré que les mots qu’ils allaient lire n’étaient que des symboles sans signification. Conclusion : les sujets ont répondu instantanément ! La suggestion avait annulé l’effet Stroop ! Soit un comportement normalement impossible à outrepasser. L’expérience de Amir Raz a montré que la suggestion hypnotique ouvre véritablement une porte vers l’inconscient. Ce serait cette porte qu’emprunte l’hypnothérapeute pour soigner. Même si cela reste à démontrer.

La suggestion ne serait pas la seule clé du succès de l’hypnose médicale. Cette réussite thérapeutique tiendrait également dans sa façon « plus humaine », que dans la médecine scientifique, de prendre en charge les patients. « L’amour, le plaisir, les émotions… ne sont pas considérés par la médecine scientifique, note Jean-Marc Benhaïem, alors qu’il est prouvé qu’ils modulent la souffrance et, de façon plus générale, notre expérience de la maladie. » Par conséquent, il arrive qu’une séance d’hypnothérapie prenne des airs de psychothérapie, avec recherche de tout ce qui pourrait influencer de près ou de loin le mal du patient. Nous aider à démêler, grâce à la force de la suggestion, l’écheveau de nos émotions et de nos troubles physiques : voilà peut-être une des explications à la réussite de l’hypnose médicale.

03.Les limites de l’hypnose et les peurs qu’elle suscite

Hypnose et sevrage du tabac

L’hypnose peut, notamment, être employée auprès des personnes qui souhaitent arrêter de fumer. Le taux de réussite est variable selon les patients.
© SXC
L’hypnose peut-elle guérir tout le monde ? Autrement dit : existe-t-il des personnes plus réceptives à l’hypnose que d’autres ? Étrangement, il semblerait que la réponse soit oui aux deux questions. « Environ 20 % des gens sont peu hypnotisables, rappelle Jean-Marc Benhaïem, c’est-à-dire qu’ils offrent une résistance à entrer en transe hypnotique. Mais des études cliniques ont montré que même ces personnes réagissent aux suggestions. » La suggestibilité ne serait donc pas un critère d’efficacité thérapeutique. Avis à ceux qui partent difficilement dans l’imaginaire, les portes de l’hypnose leur sont tout de même ouvertes.

L’hypnose guérit-elle à tous les coups ? Clairement non. Si les réussites spectaculaires, par exemple sevrage du tabac ou de l’alcool en une seule séance existent, elles ne doivent pas cacher le taux d’échec important. Difficile d’avoir des statistiques en la matière. En ce qui concerne le tabac, selon l’expérience de Jean-Marc Benhaïem, un tiers des patients parviendraient à arrêter la cigarette après un traitement d’une à trois séances (un taux de réussite constaté six mois après l’arrêt du traitement). « Au-delà, on ne s’acharne pas, confie le docteur. Cela signifie que le patient n’est pas prêt : il continue à idéaliser le tabac, il a peur du changement…, il y a mille raisons. »

Si le médecin ne dispose pas de taux de réussite pour les autres troubles qu’il soigne, une chose est sûre : certaines maladies prêtent plus le flanc aux entraves psychologiques que d’autres. La palme reviendrait aux pathologies chroniques, telles les douleurs chroniques, comme les rhumatismes, particulièrement rétives à l’approche hypnotique : malgré eux, les malades se sont « habitués » à ces pathologies et il est d’autant plus difficile de leur montrer la maladie sous un nouvel angle. Au final, si « toute personne peut bénéficier de l’hypnose, résume Jean-Marc Benhaïem, rien ne garantit que le changement va être radical, car les raisons de ne pas changer sont aussi fortes et nombreuses que les raisons de changer. »

Une complexité qui se manifeste parfois par la substitution de symptômes : une personne ayant arrêté le tabac grâce à l’hypnose peut se transformer subitement en boulimique, remplaçant son addiction de la cigarette par celle de la nourriture. Selon le docteur Benhaïem, ces cas de figure, rares, révèlent plus une erreur médicale qu’un défaut intrinsèque de la méthode hypnotique. Dans l’exemple donné, l’hypnothérapeute n’a pas su découvrir que son patient fumait pour pallier un stress, stress qu’il s’est empressé de compenser, à défaut de tabac, par l’alimentation. Le thérapeute doit alors rectifier le tir en travaillant avec le patient simultanément comportement alimentaire et tabagisme. À l’inverse d’un psychothérapeute qui sans doute aurait choisi de remonter tout de suite aux racines du problème (le stress), l’hypnotiseur lui, travaille d’abord à dissocier la cause (le stress) des symptômes (tabagisme, boulimie), quitte ensuite, si vraiment le mal persiste, à envisager une autre stratégie.

Malgré la démonstration de son potentiel thérapeutique, l’hypnose continue d’alimenter des peurs. Des peurs déraisonnées selon les thérapeutes. En tête, le risque de manipulation mentale : sous état hypnotique, le patient verrait sa volonté diminuer et ne serait plus qu’une marionnette aux mains du thérapeute qui pourrait tout autant lui demander de sauter dans le vide ou de commettre un crime. « Il y a bien une certaine baisse de la volonté durant l’hypnose, confirme Jean-Marc Benhaïem, mais c’est au profit de sensations plus larges. Donc le patient est au contraire plus vigilant vers ce qui est un danger. » Pas de risque donc de se voir transformer en criminel….

Autre angoisse : celle de ne pas se réveiller de la transe hypnotique. En vérité, l’imaginaire populaire exagère la profondeur de la transe où se trouve un patient en thérapie. Il est rare que le patient s’endorme au cours d’une séance. Cependant en fin de séance, « il faut effectivement veiller à ce que les patients soient tout à fait sortis de l’état hypnotique ; une petite marche suffit pour cela », note le docteur.

04.L’hypnothérapie dans d’autres civilisations

Rituel chamanique - Sibérie

Sibérie : rituel de soin chamanique pour des enfants malades du village. Pendant la cérémonie, une place importante est accordée au groupe, aux liens les autres, les animaux, les pierres, l’univers, les esprits. Car, dans le chamanisme, tout dans la nature est animé, divinisé mais aussi lié, interconnecté.
© Film Médecine d’ici, médecine d’ailleurs / I. Célestin-Lhopiteau & R. Hamon / 2007
L’hypnose médicale, née européenne avant d’atteindre l’Amérique du Nord, n’est pas propre à la civilisation occidentale. Elle apparaît, sous d’autres formes dans des populations du monde entier qui recourent à des transes de guérison : les Gwana du Maroc, les Indiens Navarro, les peuples du golfe du Bénin qui pratiquent le vaudou, les adeptes du candomblé au Brésil… Chez ces peuples, lorsqu’un membre de la communauté est malade, le chaman, qui tient le double rôle de prêtre et de guérisseur, organise une cérémonie dont les points d’orgue sont le sacrifice d’un animal et le plus souvent une danse. Cette danse, souvent rythmée par des tambours, est censée plonger le sujet en transe.

Tout comme en hypnose, « l’idée de la transe est de saturer la conscience du sujet afin de l’amener à ouvrir ses perceptions, décrit Isabelle Célestin-Lhôpiteau, une hypnothérapeute de l’hôpital Trousseau qui se rend régulièrement chez ces populations pour étudier le potentiel thérapeutique de leurs pratiques. L’hypnose réalise cela par la parole. Les médecines traditionnelles, par la danse et la musique. »

Si la transe équivaut à un état hypnotique, les populations à culture chamanique ne l’interprètent évidemment pas ainsi : pour eux, la transe est avant tout une porte vers le monde des esprits. Par la cérémonie de guérison et la transe, elles espèrent pouvoir communiquer avec les divinités de la nature et ainsi retisser le lien rompu entre le malade, la nature, et le monde des esprits, rupture qui est la source du mal.

Isabelle Célestin-Lhopiteau l’a constaté plus d’une fois : aussi éloignées soient-elles de la médecine scientifique, ces médecines traditionnelles guérissent. Pour l’essentiel, comme l’hypnose thérapeutique, des pathologies chroniques : migraines, douleur de dos, maladies de la peau, crises drépanocytaires en Afrique (la drépanocytose est une maladie des globules rouges qui provoque des crises abdominales très douloureuses), asthmes…

Un détail paraît pourtant séparer l’hypnose de ces médecines : si chez les Gwana, c’est bien le malade qui se livre à la danse purificatrice, dans d’autres populations, comme celles vivant sur les rives du lac Baïkal, en Sibérie, c’est le chaman qui entre en transe et est le vecteur de la guérison, le malade se contentant d’assister à la cérémonie. Sort-on alors du cadre de la thérapie hypnotique ? Non, selon Isabelle Célestin-Lhopiteau : pour comprendre comment le malade guérit alors, « il faut passer par la représentation du monde de ces cultures, où si l’on touche un individu, une maille de la société, cela a des répercussions sur les autres. »

Dans leur ouvrage Du cœur à la raison, paru en 1989, la philosophe Isabelle Stengers et le psychiatre Léon Chertok soulignaient également le rôle de cette réciprocité dans l’approche hypnotique occidentale : « L’hypnose se produit à deux : celui qui se définit comme expérimentateur (l’hypnotiseur) est aussi, d’une manière qu’il ne contrôle pas, partie prenante dans ce qu’il suscite. » Les auteurs expliquaient que l’hypnose, comme l’état de veille, met en jeu un flux continu de processus distincts, conscients et inconscients, et dès lors fait participer à la fois le malade et le thérapeute.
C’est sans doute ce manque de contrôle de l’expérimentateur sur son action qui alimente la peur de l’hypnose.

Ce serait également par le jeu de ces forces mystérieuses que le chaman, en transe, parviendrait à guérir le malade, simple spectateur. Freud, qui a forgé la psychanalyse après avoir pratiqué l’hypnose sur ses patients (et l’a délaissée parce qu’elle était trop imprévisible), parlait de « l’énigme hypnose ». Presque un siècle après, on peut reprendre son mot.

Source:http://www.savoirs.essonne.fr

LIVRES SUR L’HYPNOSE, EXPLICATION ET PRATIQUE

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