L’amour-passion se reconnaît à son intensité, à la vitesse à laquelle il fait son apparition et prend le contrôle de notre être. Il a ce pouvoir de nous subjuguer.
Plus je réfléchis aux difficultés que traversent les couples, plus je constate les ravages que produit le fait de croire que l’amour-passion constitue le sommet de l’amour. La simple phrase «je l’aime, ne n’y peux rien» justifie semble-t-il tous les choix, mêmes ceux qui sont les plus inconsidérés.
De quoi est-il question au juste? L’amour-passion se reconnaît à son intensité, à la vitesse à laquelle il fait son apparition et prend le contrôle de notre être. Il a ce pouvoir de nous subjuguer. Il nous incite à faire toutes sortes de folies pour l’aimé. Il procure le sentiment de vivre intensément. L’espoir revit, la tête s’emplit de projets. On idéalise l’aimé, on a la conviction de ne pourvoir vivre sans sa présence. Cet amour peut naître à la manière d’un coup de foudre, tout comme emprunter une voie plus régulière pour nous atteindre. Lorsque nous nous trouvons sous son influence, il est difficile de lui tenir tête.
L’amour-passion est une des belles réalités de la vie. Tout réel qu’il soit, sa ferveur, son intensité peuvent nous tromper quant à sa qualité. L’amour-passion est la forme normale que prend l’amour naissant.
Si, ceux qui en subissent la douce loi, l’analysaient de plus près ils verraient que le «je t’aime» veut généralement dire «j’aime que tu m’aimes». En d’autres mots, il s’agit d’un amour dans lequel le désir d’être aimé est au moins tout aussi fort que le désir d’aimer, quand ce n’est pas davantage. Toute la passion vient de là : de ce qu’il vient étancher cette soif profonde d’être aimé. Cet amour, s’il évolue normalement, se transforme pour s’épanouir dans ce que j’appellerai l’amour authentique. Dans ce dernier cas la recherche du bien de l’autre prend le dessus. Plus nous recherchons le bien de l’autre, plus nous sommes prêts à faire ce qu’il faut pour le lui procurer, plus nous l’aimons. La grande séduction qu’exerce l’amour-passion vient de ce qu’il est si agréable à vivre qu’on le prend facilement pour le sommet de l’amour, alors qu’il devrait servir de tremplin pour se diriger vers un amour bien meilleur.
Pour se convaincre de la différence entre ces deux formes d’amour comparons-les. L’un est une passion, ce qui en fait une réalité changeante, comme toute passion. L’amour authentique consiste dans la volonté ferme du bien de l’autre. Dans un cas on découvre l’autre, ce qui nous en donne forcément une connaissance partielle. L’autre implique la connaissance approfondie de l’aimé. L’un rêve beaucoup, l’autre construit à partir de projets bien concrets. Dans un cas l’amour nous domine, dans l’autre nous le pilotons. L’un prend appuie sur la nouveauté, l’autre parvient à se renouveler avec du vieux. Dans un cas, la simple baisse de la passion, les faiblesses ou l’épreuve suffisent à mettre fin à l’union. Dans l’autre, ils servent de ciment pour lier le couple. L’un peut se terminer dans la haine de son partenaire, l’autre cherche à comprendre, accepte et pardonne.
Pascal Bruckner dans son livre «Le mariage d’amour a-t-il échoué» soulève des questions importantes à propos de l’amour-passion. Malgré sa brillante analyse il n’est pas parvenu à voir sa vocation de conduire à l’amour authentique.
Il débute en constatant avec réalisme que l’amour-passion «voudrait normaliser l’exceptionnel, en faire la règle». «Voyez ce rêve actuel : le tout en un, le tout ou rien. Qu’un seul être condense la totalité de nos aspirations et qu’il soit écarté s’il ne remplit pas cette mission. La folie est de vouloir tout concilier, le cœur et l’érotisme, l’effervescence et le long terme. Nos couples ne meurent pas d’égoïsme ou de matérialisme, ils meurent d’un héroïsme fatal, d’une ambition démesurée.» En effet, vivre toute sa vie l’intensité de la passion dépasse les forces humaines. Il constate par la suite que cet idéal conduit fatalement à de nombreuses ruptures, même les cheveux blancs veulent se donner une chance de revivre cette fièvre. Étant persuadé que la passion amoureuse est le sommet de l’amour, il cherche des moyens de minimiser les effets des ruptures sur les partenaires. Tout en acceptant que les unions pour la vie ne font plus partie du paysage, il cherche à augmenter leur durée par l’injection de réalisme et de d’amitié pour enlever ce qu’il y a d’excessif dans la passion. Il investigue la variété des unions qui demeurent possibles pour maintenir la passion.
Pourtant à bien analyser les effets d’être aimé on se rend compte que l’amour-passion a pour rôle de nous propulser vers un amour meilleur. Être aimé nous rend plus fort, nous incite à donner le meilleur de nous-mêmes, à aimer en retour l’aimé et ceux qui comptent pour nous, à propager notre bonheur etc. Si les effets d’être aimé contiennent ce potentiel comment se fait-il que certains évoluent vers un amour meilleur et d’autres non? Cela dépend du cœur qui expérimente ces effets. Pour certains ces effets sont si agréables à vivre qu’Ils mettent tous leurs efforts principalement à les revivre. Même s’Ils font preuve de finesse envers l’aimé, il ne faut pas s’y tromper, ils le font pour revivre cette sensation agréable. Pour des cœurs plus généreux, la force et l’énergie que cet amour procure les incite à s’améliorer, à s’ouvrir aux autres et redonner ce qu’ils ont reçus. En devenant de meilleures personnes ils sont à même de constater avec joie les mêmes progrès chez l’aimé. Ils peuvent vivre leur amour dans la paix parce qu’ayant constaté qu’ils n’ont aucune envie de quitter un être qui a autant de qualités, ils sont en mesure de savoir que l’aimé partage ce désir pour les mêmes raisons. Des sentiments de joie et de paix prennent maintenant le relai de la passion, sans pour autant exclure à l’occasion les élans passionnés.
Cet amour est plus profond. Il s’appuie sur notre personnalité qui a fait de grands pas et sur la volonté devenue ferme dans son intention d’agir pour le bien de l’autre. Tout cela rend notre personnalité plus stable. Cela saute davantage aux yeux si on le compare à la passion du début qui prenait appuie sur le pourvoir de la beauté, l’attrait sexuel, les petits riens qui plaisent tant. L’incertitude d’être aimé pour soi incite à rechercher constamment les marques d’affection. Cette même incertitude met la jalousie en éveil.
Oui, aimer l’autre pour lui-même est un progrès dans l’amour.
John White
Source : philo-pratique.net
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